🎤 Interview avec Nicolas Blaise

— L’histoire et la renaissance de Cartes-Production —

👉 Pour en savoir plus et découvrir leurs produits, rendez-vous sur le site officiel de Cartes-Production.

Fivebet : Nicolas, pour commencer, peux-tu nous raconter la genèse de Cartes-Production ?

Nicolas : Cartes-Production, c’est une activité née au milieu des années 2000, fondée par deux passionnés de poker à Nantes. À l’époque, ça s’appelait encore Poker Production, et on peut vraiment dire que c’était l’un des tout premiers acteurs français à avoir flairé le boom du poker. On sortait tout juste de l’époque où le Texas Hold’em commençait à envahir les écrans et les clubs se créaient un peu partout dans le pays. Il n’existait pratiquement aucun fournisseur en France pour ce type de matériel.

Ces deux fondateurs ont eu le courage de partir en Chine pour faire du sourcing, sans traducteur ni agent, simplement animés par la passion et l’intuition que le poker allait devenir un phénomène de société. Ils sont revenus avec des valises pleines de jetons, de tapis, de cartes, et ont monté l’un des premiers sites de vente en ligne dédiés au poker en France. C’était une approche très artisanale au départ, mais visionnaire.

Leur pari a payé : la demande a explosé et ils ont rapidement gagné en visibilité. France Cartes, le fabricant historique, a vu là une belle opportunité de se diversifier vers le grand public et a racheté l’activité pour en faire son bras armé B2C. Puis, quelques années plus tard, le groupe Cartamundi, leader mondial de la carte à jouer, a pris la suite, intégrant Cartes-Production à son portefeuille et centralisant les opérations à Nancy. Ce qui n’était au départ qu’une aventure de passionnés est devenu un maillon solide d’un groupe international.

Fivebet : Et toi, comment es-tu arrivé dans cette histoire ?

Nicolas : Moi, je suis arrivé plus tard, en 2014. J’étais infographiste 3D à la base, mais j’avais envie de créer quelque chose de plus concret, de fabriquer de mes mains. C’est comme ça que j’ai lancé CustomPok, une petite structure de personnalisation de jetons. Je bossais littéralement dans ma cuisine, avec le four familial comme première machine. C’était artisanal, un peu fou, mais c’est comme ça que tout a commencé.

Petit à petit, j’ai acheté de vraies machines, pris un petit bureau, et j’ai essayé de professionnaliser le concept. Le problème, c’est que le marché français restait limité et très concurrentiel, surtout avec Poker Production à l’époque. CustomPok vivotait, je gagnais un peu ma vie mais sans perspectives d’évolution. Après quatre ans de galère, j’ai décidé de mettre mon activité en vente, un peu comme une bouteille à la mer. J’ai contacté plusieurs acteurs du milieu sans trop y croire.

Et c’est là que tout s’est enchaîné. Quelques semaines plus tard, je reçois un appel du vice-président de Cartamundi France. Il me dit qu’il a vu passer mon annonce, qu’il est intéressé pour me rencontrer. Rapidement, je comprends qu’ils ne veulent pas tant racheter mon entreprise que miser sur moi, sur mon profil et mon expérience. Ils avaient besoin d’un manager pour redynamiser Poker Production, et mon parcours collait parfaitement. J’ai accepté, et j’ai dirigé l’équipe à Nancy pendant trois ans.

Fivebet : C’est à ce moment-là que tu rencontres Jérôme ?

Nicolas : Exactement. Jérôme, c’était mon fournisseur de jetons en Chine. On s’est connus à une période où je cherchais à fiabiliser ma chaîne d’approvisionnement, et lui était déjà très implanté dans le milieu de la production asiatique. C’est quelqu’un de droit, rigoureux et passionné, qui connaissait parfaitement le marché des fabricants. Au départ, nos échanges étaient purement professionnels : je lui passais commande, il me livrait du matériel. Mais très vite, une vraie confiance s’est installée.

On s’est retrouvés à collaborer de plus en plus, à partager nos galères, nos visions, et à se rendre compte qu’on avait chacun des forces que l’autre n’avait pas : lui, toute la partie import, logistique et relations fournisseurs ; moi, le site, la clientèle et la partie opérationnelle au quotidien. Notre duo fonctionnait de manière naturelle, presque évidente.

En 2021, après plusieurs années à se croiser et à bosser ensemble sur divers projets, on a eu cette opportunité incroyable : racheter les actifs de Cartes-Production. On a sauté le pas et fondé Shopp’in SAS. C’était un grand tournant. On a démarré à deux, dans un petit entrepôt trouvé en urgence, à bricoler nos étagères et à gérer les commandes à la main. Et dès les premiers jours, les clients ont suivi. C’est là qu’on a vraiment su qu’on avait pris la bonne décision.

*Jérôme Gavinet, fondateur de KJAY, spécialisé dans la conception de produits sur mesure.

Fivebet : Où en est la société aujourd’hui ?

Nicolas : Aujourd’hui, on est installés dans un entrepôt de 1 200 m², contre 350 auparavant. On a embauché un préparateur de commandes à temps plein, et on développe une activité de dropshipping et de stockage pour d’autres clients. C’est une manière de rentabiliser notre outil logistique. On travaille même pour des entreprises qui n’ont rien à voir avec le poker : mobilier, matériel de présentation, etc.

On reste leaders en France sur notre segment, mais le marché est exsangue. On compense en se développant à l’international. On a traduit notre site en neuf langues ! Désormais, on reçoit des commandes de toute l’Europe, de la Slovénie à la Pologne.

Fivebet : Quelle est votre stratégie face à la concurrence des market places comme Amazon ou Temu ?

Nicolas : Clairement, notre force, c’est la personnalisation. On propose des produits exclusifs, introuvables ailleurs. Certains de nos fournisseurs chinois vendent directement sur Temu, donc on doit se démarquer par la créativité et la qualité. On mise aussi sur notre proximité avec la communauté : aller sur les tournois, sponsoriser des événements, rencontrer les joueurs, ça marche bien mieux qu’Instagram. D’ailleurs, on soutient le 5 Club Championship pour cette raison : être au contact des passionnés.

Fivebet : Et sur le plan produit, quelles sont les prochaines évolutions ?

Nicolas : On va continuer à se recentrer sur notre cœur de métier : le poker et le casino. On réduit les gammes enfants, magie ou cartomancie. Aujourd’hui, tout ce qu’on fait tourne autour du poker, des accessoires, des jetons, des cartes, des tables. En bref : revenir à l’essentiel !

Fivebet : Tu as évoqué la possibilité de reprendre le nom Poker Production ?

Nicolas : Oui, on y pense. On détient encore la marque. À l’époque, le changement vers Cartes-Production avait du sens, car on vendait aussi des jeux de belote, de tarot, d’ésotérisme. Mais maintenant, on est redevenus très spécialisés poker/casino. Donc oui, redevenir Poker Production aurait une vraie logique.

Fivebet : Une dernière question. En t’écoutant, on sent une vraie passion, mais aussi une charge importante. Qu’est-ce qui te fait tenir ?

Nicolas : (sourire) L’entrepreneuriat, c’est une autre façon de vivre, vraiment. Tu es à la fois libre et prisonnier. Libre parce que tu choisis tes projets, tes horaires, ta manière de faire. Et prisonnier parce que ton cerveau ne s’arrête jamais : même quand tu dors, tu penses à une commande, à un fournisseur, à une idée à tester. Il n’y a pas de pause, pas de vraie frontière entre la vie pro et la vie perso. Mais paradoxalement, c’est ce qui me plaît.

Il y a des jours où tout s’enchaîne parfaitement, et d’autres où tu prends des claques, où tu doutes, où tu te demandes pourquoi tu fais tout ça. Mais quand tu regardes en arrière, quand tu vois ce que tu as construit, c’est une fierté immense. Ce n’est pas dans le quotidien que tu trouves le plaisir, c’est dans la progression, dans la concrétisation d’une vision que tu as imaginée. Et au bout du compte, c’est ça l’essence même de l’entrepreneuriat pour moi : la réalisation personnelle à travers quelque chose de tangible, que tu as fait naître de tes mains. Et ça, c’est grisant.

Propos recueillis par Thomas Gimié